Lorsque la LFP a conclu, pour plus d’un milliard d’euros par saison, l’acquisition des droits TV de ligue 1 en 2018, beaucoup de commentateurs se sont satisfaits de la nouvelle, considérant que « l’âge d’or » du football français était venu.
Tous les voyants étaient au vert, la signature de quelques grands joueurs dans le championnat et notamment au PSG, l’augmentation substantielle des droits depuis 2011 et l’émergence d’un nouveau concurrent- partenaire de Canal +, Bein sport, l’exacerbation de projets sportivo-industriels, hier Altice puis Mediapro évoquaient l’intérêt et la vitalité autour de notre championnat.
Nous vivions une époque formidable malgré quelques voix discordantes, Jean Pascal Gayant, économiste du sport et, Maxime Saada, le Président de Canal plus annonçant les difficultés à venir.
C'était en 2018. Il y a un siècle.
Maxime Saada, présentait alors une étude sur la « Ligue 1 » concluant à une valeur annuelle des droits TV avoisinant les 650 millions d'euros. La LFP, gloutonne, espérait le milliard d'euros annuel à l'occasion de l'appel d'offres 2020-2024 tandis que Canal + songeait plutôt à réduire sa facture, considérant que les 726,5 millions d'euros acquittés (par BeInSports et lui-même) étaient déjà une somme trop excessive.
Le milliard arriva donc. Les grands présidents de clubs, Jean Michel Aulas en tête, ainsi que les dirigeants de la ligue, Quillot et consorts, pouvaient claironner que tout cela renforcerait les moyens des clubs pour « rester compétitifs et assurer leurs moyens de mieux rémunérer leurs joueurs ».
Jean pascal Gayant pouvait déclarer dans le tumulte des autocongratulations tout cela "extrêmement aventureux" puisque les deux opérateurs Canal Plus et Bein Sport « perdaient déjà de l’argent tous les ans ». Comment dans ces conditions un nouvel opérateur, pouvait il prétendre à mettre autant d’investissement sans projet clairement identifié, sans connexion au marché des droits français, sans chaine tv préexistante, sans lisibilité sur les abonnements à faire payer aux amateurs de football ?
Appâtée par l’offre de médiapro, la LFP a ainsi pris la responsabilité avec l’accord des clubs professionnels de lier son destin à celui d’un groupe sino espagnol promettant l’ivresse financière. Quand l’hubris prend le pas sur la raison…
Finalement, le groupe sino-espagnol n’aura versé que 143,6 millions et pour solde de tout compte, 100 millions, pour se désengager et éviter les poursuites. Finalement les 150 salariés de la chaine, Teléfoot, créée pour l’occasion, seront très certainement tous licenciés. Finalement les clubs obsédés par l’argent en sont obligés de demander aux joueurs des baisses de salaires, de reporter le paiement des charge dues, et d’obtenir, covid oblige, des prêts garantis par l’Etat.
Au temps de la sobriété heureuse, comment ne pas voir que ce monde-là, celui d’une économie du football et plus largement du sport, est tellement déconnecté de la réalité d’aujourd’hui et des enjeux qui sont les nôtres ?
A qui la faute ?
A l’Etat et aux gouvernements successifs qui se gardent bien d’intervenir sinon à admonester de manière bien aléatoire. A quand une régulation européenne des règles concurrentielles de « l’économie du football » associant l’Union Européenne, via la commission européenne, les Etats et l’UEFA ? Entend –on le silence assourdissant du Ministre de l’éducation, de la jeunesse et des sports, Jean Michel Blanquer et du Premier Ministre, Jean Castex ?
A la Ligue et à la Fédération qui, détentrices des droits, aspirent au droit à mieux prospérer quitte à avoir finalement les yeux plus gros que le ventre. A quand une limite de la vente à la découpe, prélude, qui ne le voit, aux aspirations des clubs à gérer chacun, de manière individuelle leurs droits, prochaine étape inéluctable si l’on ne fait rien ?
Aux clubs, pris dans une course folle, aux transferts et aux rémunérations mais aussi au trading et aux emprunts, pour être au niveau de la concurrence, sans, pour autant, aucune garantie. Le cas du LOSC est symptomatique d’un modèle qui mérite d’être questionné. A quand une régulation des transferts et du montant excessif des salaires des joueurs ?
Ce qu’il s’est joué une nouvelle fois, comme je l’écrivais dans ma précédente tribune, c’est le développement d’un modèle ultra libéral du sport, sans règles et limites, permettant de renforcer le cercle vicieux : explosion des droits tv , explosion des salaires des joueurs , explosion du montant des transferts, explosion de la bulle spéculative…
Philippe Piat, Président des syndicats français et mondial des footballeurs, le déclarait il y a quelques mois au sujet du péril numéro 1 du foot: « les contrats de travail alimentent le trading joueurs, la vente des joueurs devient un élément essentiel et déséquilibre les budgets ».Pour pouvoir réaliser une plus-value sur la vente d’un joueur, les clubs s’obligent à les garder sous contrat et augmentent de manière inconsidérée les salaires ( des joueurs et des agents).Aujourd’hui les clubs ont une masse salariale d’environ 60 % de leurs revenus.
Est-ce tenable et raisonnable ?
Tout appelle à organiser de nouvelles règles à la double échelle européenne et nationale avant que l’économie du football n’explose et ne suscite non plus l’intérêt mais l’ignorance à travers la désaffection des publics.
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